samedi 25 juin 2011

Le livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa ou, pourquoi j'aime mais je n'irais pas jusqu'au bout.

Il y a des livres avec qui la rencontre se fait, d'autres qui ne sont pas faits pour nous, et puis, il y a ceux qu'on aime, mais qu'on ne doit pas lire au moment où on le fait.

Le livre de l'intranquillité appartient à cette troisième catégorie.

J'aime ce livre. Vraiment. Je l'ai pris un peu comme ça, à la médiathèque, parce qu'il est sur ma fameuse liste des livres "qu'il faut avoir lus" (j'aime compulsivement les listes, que voulez vous.)

Et puis je me suis mise à le lire. Et je me suis sentie profondément touchée. Comme si c'était à moi, et à moi seule que s'adressait l'auteur. Il m'arrive rarement de pleurer en lisant. Enfin si, mais pas de cette manière. Là c'est comme si j'avais reçu un coup de massue sur la tête tellement la justesse de ses mots m'atteignait. Tellement c'était ça, ce que je pensais exactement, et comment avait-il pu le dire de manière si juste?


Oui mais voilà... A ce moment précis de ma vie, j'estime ne pas avoir la maturité de lire ce livre. Parce qu'à vingt cinq ans, je ne suis pas assez sûre de ce que je suis, de ce que je veux, et de ce que je serais, pour le lire sans être totalement remuée, impactée, bouleversée. Au jour d'aujourd'hui, ce livre, n'est pas pour moi.
Et pourtant, les mots de Fernando Pessoa sont beaux. Magnifiques. Ils entrent dans mon âme et s'y attardent, me touchent, me font m'interroger.

Peut être que dans dix, vingt ans, je serais prête à lire le livre de l'intranquillité, parce que justement, je serais tranquille. Alors, il ne me rendra plus profondément morose comme il l'a fait, et je serais capable d'en apprécier la beauté sans avoir envie de pleurer de chagrin.

C'est un peu dur pour moi de me livrer ainsi, mais après tout, quand j'ai ouvert ce blog, j'ai choisi de livrer mes avis, comme ils étaient, sans mentir, sans travestir ce que je sentais.

Alors voila.

Et je vous laisse avec des extraits, que je n'ai pu m'empêcher de noter, subjuguée.

"Et assis à ma table, dans cette chambre absurde et minable- moi, petit employé anonyme j'écris des mots qui sont comme le salut de mon âme et je me dore d'un couchant impossible sur de hautes et lointaines montagnes,[...] de ma statue et de l'anneau du renoncement à mon doigt évangélique, immobile joyau d'un mépris extatique."

"L'idée d'une obligation sociale quelle qu'elle soit -[...]- cette seule idée me gâche les pensées de toute une journée (et parfois même de la veille), je dors mal, et la chose réelle quand elle se produit, se révèle totalement insignifiante, ne justifie en rien mon appréhension, mais la même histoire se répète sans cesse et je n'apprends jamais à apprendre."

"Je lis et me voici libre. J'acquiers l'objectivité. Je cesse d'être moi cet être dispersé. Et ce que je lis, au lieu d'être un vêtement que je porte , que je distingue à peine, et qui parfois me pèse, devient la vaste clarté du monde extérieur, tout entière admirable, le soleil qui nous voit tous, la lune qui parsème d'ombres le sol paisible, les grands espaces qui débouchent sur la mer, la masse noire des arbres qui balancent leurs cimes vertes, tout là haut, la quiétude figée des bassins dans les jardins, les chemins couverts qui descendent, sous les tonnelles de la vigne, et les pentes brèves des vallées.
Je lis comme si j'abdiquais. Et, de même que la cape et la couronne royales n'ont jamais autant de grandeur que lorsque, à son départ, le roi les abandonne sur le sol - de même je dépose, sur les mosaïques des antichambres, tous les trophées de l'ennui et du rêve, et je gravis les escaliers, revêtu de la seule noblesse de mon regard.
Je lis comme si je passais. et c'est chez les classiques, chez les clames, chez ceux qui, s'ils souffrent point ne le disent- c'est chez eux que je me sens voyageur sacré, que je suis oint pèlerin, contemplateur sans raison d'un monde sans but, Prince du Grand Exil qui a fait, en partant au dernier mendiant l'aumône ultime de sa désolation."

et une dernière : "Mes rêves sont un refuge stupide, comme un parapluie pour me protéger de la foudre."

7 commentaires:

  1. Il est sur ma wish-list, il faut absolument que je le lise !

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  2. il est pas noté dans mes classiques à lire à tout prix mais en lisant les extraits, je sens que ce livre est fait pour moi...
    Ps : je n'ai pas compris pourquoi tu n'étais pas assez mature pour lire ce livre ? Comme tu ne dévoile rien du livre, je n'ai aps fait le lien entre les extraits et ce que tu dis...

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  3. C'est toujours fascinant de voir comment un livre peut autant nous toucher, je ne suis pas probablement pas prête pour le lire moi aussi on verra bien :)

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  4. Tu sais quoi ? Tu le ressortiras un jour, lorsque tu seras gaie, reposée, en vacances... Peut-être que ta réaction sera différente.
    Bisous

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  5. Irrégulière : Je te le conseille, c'est écrit de manière superbe...

    Maggie : C'est un livre superbe mais très noir, qui remue, fait s'interroger, et je ne suis pas sûre d'avoir la maturité de le digérer parfaitement !

    Aymeline : Essaye, en tout cas moi, c'était pas le moment ! Mais par contre Pessoa a une plume magique !

    Syl : Oui sans doute, je me le réserve pour quand je saurais parfaitement l'apprécier !

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  6. Il a l'air superbe ce livre, je note ! Je ne suis pas d'accord avec toi quand tu parles de "maturité" !! (D'abord je te trouve très mûre pour ton âge) ^^, mais un livre est certes une question de moment, et on peut appréhender certains textes très jeune, les relire plus tard et c'est ainsi qu'ils font partie de nous, c'est ainsi que je conçois un classique ; un livre lu à différents âges de notre vie... ;)

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  7. Tu en parles avec sensibilité et tu fais partager ton émotion. Asphodèle a raison, ce n'est pas une question de maturité puisque ce livre te touche si profondément mais... tu as l'âge de ma fille (la plus jeune)et c'est vrai qu'à cet âge on a bien le droit de réclamer un peu plus de gaieté, d'insouciance? Il y a un temps pour tout! Mais peut-être serait-il temps que moi, je le lise ce livre!

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